Quelque part, ces deux olibrius nous manquaient. On les avait rendus célèbres par deux fois, et par deux fois, ils avaient chouiné qu’on avait été méchants, alors que les commentaires sur YouTube n’étaient pas de notre fait. Et puis faire une vidéo sur comment se laver le popo, c’est prêter le flanc à la critique.
Aujourd’hui, Pipo & Pompo ont l’air d’avoir pris une résolution sérieuse, genre de l’ONU (ils adorent ces petites blagues). Ce qui a déclenché leur engagement ? Un article d’Atlantico. Les deux malheureux ignorent que ce site est en fin de vie, que plus personne ne veut le financer. Il est vrai que de payer pour de l’ultrasionisme libéral de droite (Benoît Rayski), c’est pas le modèle économique époustouflant.
Écouter Pipo & Pompo réagir aux stimuli politiques de base est intéressant : leur analyse aussi communautaire qu’émotionnelle débouche sur un second tour Marine Le Pen face à un « gaucho », et là, nos deux amis serrent les fesses. Enfin, avec ce qui leur reste de muscles. À l’arrivée, convaincus qu’un « gaucho » à la Benoît Hamon n’aurait aucune chance face à l’ogresse, « on se demande même si nous on va pas voter à la primaire de gauche, pour un Valls du coup ».
Hélas, un sondage du jour (ce 9 janvier 2017) donne Valls perdant face à Montebourg lors du second tour de la primaire (et non des présidentielles) le 27 janvier.
« Donc presque le meilleur espoir ce serait qu’il y ait Fillon, finalement, le président. Pour les gays ça serait pas terrible. »
Là, Pipo manque un peu de culture politique. Mais on ne peut pas traîner dans les backrooms et lire des ouvrages de politique majeurs. Pipo, avec ses mots à lui, et sa syntaxe politique naissante, nous transmet les angoisses de toute une communauté :
« On a toujours dit nous que si Le Pen passait, ou si plus qu’à gauche que Montebourg, passait, on partait pour de bon. »
- Ces deux candidats vont-ils, comme Pipo & Pompo le craignent, poursuivre les gays jusqu’au fond des chiottes ?
Bon, on sait ce qui nous reste à faire pour exporter Pipo & Pompo ! Plus sérieusement, qui leur a mis dans la tête que la présidente du FN allait faire une chasse aux gays ? Pipo & Pompo semblent victimes d’hallucinations victimaires venues des tréfonds d’une gauche qui n’a plus que le fantasme fasciste pour exister...
Cependant, qu’elle s’appelle François Fillon ou Marine Le Pen, le futur président sera celui de tous les Français, et nos deux amoureux sans poils ignorent une autre chose, c’est que et François et Marine sont très gay-friendly. Et puis la France a besoin de tout le monde pour se reconstruire, même de Pipo & Pompo. Donc ils ne doivent pas avoir peur du changement, et changer de pays ne changera rien. Saluons la naissance d’un petit sentiment politique au milieu de leurs préoccupations sexuelles. C’est bon signe.
Pour revenir dans le sérieux politique, la communauté gay a toujours voté majoritairement à gauche, pour une raison simple : c’est la gauche socialiste des années 1980 qui a « émancipé » les homosexuels.
Cependant, depuis que cette communauté s’est organisée – elle a obtenu une égalité de droits et une visibilité médiatique qui l’ont sortie de l’opprobre –, les termes du contrat ont changé. Devenus bobos, c’est-à-dire des bourgeois libéraux consommateurs, les gays n’ont plus forcément le cœur à gauche. S’ils votent encore socialiste, c’est parce que la droite ne leur a pas proposé la même acceptation, pour des raisons morales et religieuses. La Manif pour Tous est passée par là.
Mais à l’instar des autres viviers sociologiques historiques de la gauche de gouvernement, les profs, les immigrés, les fonctionnaires ou les ouvriers, les gays ne votent plus automatiquement à gauche. Le prisme libéral est ainsi plus fort que le prisme idéologique, ce qui explique en partie la droitisation de la société française. Les hésitations de Pipo & Pompo illustrent précisément cette évolution. Le libéralisme des mœurs, couplé au libéralisme économico-politique, n’a plus de délimitation droite/gauche. Il est donc logique que nos deux oiseaux « choisissent » pour candidat Emmanuel Macron, le libéral de gauche-droite encore plus gay-friendly que Fillon et (Marine) Le Pen.
Leur appréhension de l’homophobie politique est une vue de l’esprit, un reliquat des vieilles techniques repoussoir d’une gauche qui a perdu la bataille des idées.